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« Devenir-animal #1 » Victoria Stagni, Monkey Mood Galerie

Du 07 mars 2019 au 11 avril 2019   |   Partager   facebook twitter
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DEVENIR-ANIMAL #1
Victoria Stagni


Vernissage jeudi 7 mars à 18h
Du 8 mars au 11 avril 2019

Commissaire d'exposition:
Nadia Russell Kissoon / L'Agence Créative

Télécharger le dossier de Presse

" Devenir-Animal #1 " est la première exposition d'un cycle réunissant six artistes peintres:"Devenir-Animal" et "Devenir-Aquatique" avec Victoria Stagni, Catherine Arbassette, Chantal Le Roux Russell, Maya Andersson, Coline Gaulot et Solène Lestage.

Monkey Mood galerie
11 rue Camille Sauvageau à Bordeaux
Du mardi au vendredi 12h - 18h
Dimanche 11h-15h

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Victoria Stagni "Devenir-Animal #1" Monkey Mood Galerie from L'Agence Créative on Vimeo.



"Man gave names to all the animals
In the beginning, long time ago. "

Bob Dylan

Nous pourrions aisément placer les œuvres de Victoria Stagni dans une tradition de la peinture dite naïve du XIXème siècle tant la filiation avec cet art nous saute au premier abord aux yeux et à l'esprit. Certes son univers pictural figuratif reprend l'ensemble de ses codes et de ses caractéristiques plastiques. Victoria Stagni nous piège d'abord dans ses saynètes colorées. Elle en est le personnage principal entouré d'un bestiaire fantastique aux milles plumages et fourrures enchanteresses propres au monde animal des tropiques ou des pôles. Chaque animal peint est un événement esthétique. Ses paysages aux perspective mentales nous font voyager à travers le globe au gré de ses immersions dans des jungles exotiques ou des banquises immaculées d'avant la fonte des glaces. Ils sont attrayants, mouvementés et statiques comme des arrêts sur image dans des rêves qui auraient sied aux surréalistes. Ses premières scènes sont aussi ludiques et joviales qu'un balancement ou une glissade sur le cou d'une " Girafe ". Elles transpirent une relation idéalisée entre l'homme, l'animal et la nature à l'instar de " La montagne magique ". Une joliesse qui est accentuée par la facture enfantine de ses peintures. C'est alors qu'elle se représente parée d'une nudité première telle une Ève féministe et solitaire ayant depuis longtemps abandonné son Adam, lui préférant la compagnie des animaux. À ce stade, elle nous invite encore à explorer la réminiscence d'un Éden insouciant. Cependant, celui qui espère encore le retour de ce paradis perdu devrait détourner au plus vite son regard pour ne pas faire face à la réalité. Le voile noir qui est sur le point de recouvrir l'œuvre " Cent ans de solitude " est annonciateur d'un devenir obscure.

Victoria Stagni partage sa sensibilité exacerbée au monde. Elle la raconte à travers des histoires peintes à l'huile qui oscillent entre récits personnels et récits collectifs. Elle les ressent parfois plus qu'elle ne les conceptualise. Elle confit qu'elles naissent souvent de manière instinctive ou inconsciente et qu'elle est poussée par un besoin créatif vital, voire viscéral, de les peindre. C'est son exutoire. C'est la violence de notre époque qui la submerge. Le paradis est perdu depuis longtemps. " Les vraies catastrophes sont bel et bien là sous notre nez "*. Nous quittons l'exotisme du XIX ème siècle pour nous retrouver à l'ère de l'anthropocène. De sa cage dorée, avec solitude et à travers ses autoportraits, elle parle de multiplicité. Telle une allégorie contemporaine, elle utilise sa propre image pour mettre en exergue notre responsabilité collective, qu'elle n'hésite pas à endosser devant LA catastrophe. Cette catastrophe est écologique. Dans ses deux dernières toiles ses autoportraits font place à une représentation de Trump. Peut-être disparaît-elle parce qu'elle est devenue animal. De la " meute " homme, elle extrait un être anomal, une bête politique, milliardaire, raciste et misogyne en costard cravate, le président de la première puissance mondiale qui symbolise à lui seul cette catastrophe par contagion de masse : " la dégénérescence des pratiques sociales avec une mass-médiatisation abêtissante, avec une foi collective aveugle dans l'idéologie du " marché " "*. La machine de guerre autodestructrice est en marche. Avec sa faux ce chef de meute est un symbole de mort. Dans le tableau " Bornéo ", ce n'est plus de la déposition du Christ dont il s'agit ici, nous assistons à notre propre crucifixion. Ce n'est plus Marie qui tient Jésus mort dans ses bras, mais un Orang-outans qui nous porte, animal en danger d'extinction à cause de notre consommation d'huile de palme. Nous ne descendons plus de la croix, mais d'une forêt dévastée. Puissance et vulnérabilité se côtoient dans les toiles de Victoria Stagni. Elle est aux aguets, dans un état d'alerte. Dans la peinture " Climat ", elle devient ourse, dans " Make Nature Great Again ", elle devient pyguarde à tête blanche, emblème des Etat-Unis. Le devenir-animal est un travail sur soi qui demande une ascèse. C'est sans doute depuis cet état d'immanence que Victoria Stagni peint. Devenir-animal est un exercice intérieur, c'est un devenir-imperceptible qui nous invite à nous déterritorialiser.

Nadia Russell Kissoon

*Félix Guattari, Qu'est-ce que l'écosophie ?, Éditions Lignes, IMEC, series: " Archives de la pensée critique ", 2013, P.512